Merci à tous : merci pour eux, merci pour nous. Merci d’avoir été si nombreux, en des lieux divers, à vous rassembler en hommage à toutes les victimes de la barbarie qui frappe notre pays et qui choque le monde entier.
Beaucoup de mots, d’émotions ont été exprimés depuis vendredi dernier. Nous ne voulons pas nous résigner ; la terreur, la peur ne peuvent vaincre. Samedi, nous étions effondrés, consternés, abasourdis mais vivants. Parmi les nombreuses victimes, nous avons perdu deux alumni, deux vies trop tôt fauchées. Les visages, les itinéraires d’Arianne Theiller et de Charlotte Méaud nous enjoignent de rester debout. Elles étaient passion, intelligence, fraternité.
Dimanche, j’utilisais déjà les mots de « force et d’intelligence » pour nous inviter à aller de l’avant. La force est celle de persévérer dans nos idéaux, de ne pas céder aux tentations identitaires, au découragement ou à la haine de l’autre. La force c’est une vigilance totale, aigüe, où la compassion l’emportera toujours sur la défiance. L’intelligence, c’est de réfléchir, discuter, agir pour comprendre ce qui se passe. N’est-ce pas l’essence même de l’université, de notre communauté, d’éclairer, de s’interroger, de remettre en question la réalité ? Mercredi 25 novembre, quand nous nous réunirons en hommage aux martyrs de la barbarie nazie, c’est bien à nouveau ce message-là que nous porterons, celui d’aimer la vérité.
Car pouvons-nous continuer demain comme aujourd’hui ? Je ne le pense pas, je ne le souhaite pas. Après Charlie, après les terrasses de Paris et le Bataclan, ne devons-nous pas croiser différemment les connaissances, réinterroger les savoirs, et encore chercher ? Les universités ne sont pas des fournisseurs de réponses toutes faites ; mais elles ont aujourd’hui le devoir de produire et de transmettre ce savoir qui seul vient à bout de tous les obscurantismes. Nous devons le faire dans la diversité, la durée et l’exigence, car c’est ainsi que nous travaillons.
Ce défi est devant nous, il est individuel, il est aussi collectif. J’invite notre communauté toute entière à s’en emparer. Ayons cette force, ayons cette intelligence d’être libres, égaux et fraternels.
Alain Beretz
Président de l'Université de Strasbourg
Vendredi 20 novembre 2015
Lundi 16 novembre, à 12 h, comme ailleurs en France, l’Université de Strasbourg s’est tue. Une minute de silence particulièrement suivie au Palais U, mais aussi dans les composantes, pour rendre hommage aux victimes des attentats du 13 novembre. Manière, également, de marquer l’union de la communauté universitaire face à la barbarie.
« Solidarité », « tristesse », « compassion », nécessité d’ « être ensemble face à ceux qui veulent nous diviser ». Ils sont venus en masse (sans doute plus d’un millier de personnes), exprimer ces sentiments, dans l’aula Marc-Bloch du Palais universitaire plein à craquer. Le premier vice-président Michel Deneken s’exprime au nom d’Alain Beretz, retenu à Paris. S’ensuit une longue minute de silence, chargée d’émotion, qui a duré bien plus qu'une minute. Puis, spontanément, des voix s’élèvent pour entonner La Marseillaise, bientôt reprise par toute l’assemblée. Nombreux étaient ceux, dans l’assistance, à exprimer leur tristesse d’être « de nouveau rassemblés ici », moins d’un an après l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper casher.
Cette minute de silence a également été observée, avec tout autant d’émotion, par les étudiants, enseignants-chercheurs, et personnels du Cuej, de l’ECPM, de l’EM, de l’Espé, de la Faculté de pharmacie, de l’IEP, de l’Ipag, de l’IUT d’Haguenau, de l’IUT Louis-Pasteur (voir le diaporama non exhaustif), ainsi qu’au Patio, où un hommage particulier a été rendu à Ariane Theiller, jeune diplômée du master Métiers de l’édition, qui compte parmi les victimes.
Dès le dimanche 15 novembre, Alain Beretz exprimait dans une lettre largement diffusée son émotion face à ces événements dramatiques, dans lesquels étudiants et membres de la communauté universitaire ont payé un lourd tribut. « Notre liberté est attaquée. Tous ensemble, nous la défendons. Plus que jamais, nous devons nous rassembler autour de nos valeurs, liberté, égalité, fraternité. Ces moments graves exigent de la force et de l’intelligence ; comme universitaires, nous saurons faire preuve des deux. » Très présent sur les réseaux sociaux, Alain Beretz a relayé les nombreux messages de solidarité de présidents d'universités européennes − Genève, Heidelberg, Milan, Barcelone, Freiburg − ou encore celui du secrétaire général de la Leru.
Au lendemain des attentats, l’Université de Strasbourg avait fait le choix de maintenir la manifestation Ososphère sur le campus, pour ne pas céder face à ceux qui sèment la terreur. Les bâtiments habituellement ouverts le samedi l’étaient, à l’exception du Palais universitaire. Dans une note interne, le directeur général des services, Frédéric Dehan, précise les conditions d’application scrupuleuse du plan Vigipirate renforcé.
E. C.
Ariane Theiller venait d’obtenir son master à l’Université de Strasbourg, à la rentrée. Elle fait partie des victimes de l’attentat du Bataclan, à Paris, vendredi 13 novembre. Ses camarades et ses enseignants du master Métiers de l'édition lui rendent hommage.
Ariane est entrée en septembre 2013 en master Édition à Strasbourg, après une licence Lettres modernes à Orléans. Son premier stage la conduit aux éditions du Père Castor, où elle est très appréciée. Ariane est une passionnée de BD, elle aime surtout les comics. C’est donc aux super-héros, Batman et ses acolytes, qu’elle va consacrer son mémoire de master. Elle est acceptée pour un stage de six mois au service éditorial d’Urban Comics, à Paris, label de Dargaud créé pour implanter en France les comics de super-héros : Ariane a réussi à faire de sa passion son métier. Pour la soutenance de son rapport de stage, son responsable, Yann Graf, fait le déplacement à Strasbourg pour nous dire tout le bien qu’il pense de son travail, et son souhait de l’intégrer à l’équipe, dès que possible.
Les enseignants du master se souviennent d’Ariane rayonnante ce jour-là : elle a vraiment trouvé sa voie. Diplômée en septembre 2015, elle obtient un CDI dans le magazine Rustica, qui appartient au même groupe qu’Urban Comics, s’installe à Paris et commence à travailler sur plusieurs projets, en lien avec ses amis.
Quelques mots d’Adeline Paquet, sa meilleure amie dans la promotion 2015 du master :
« Ma petite Batwoman, tu laisses ton sidekick bien seule et désemparée. Tu t’es envolée, mais le nid que tu as laissé dans mon cœur ne disparaîtra jamais. Ta joie de vivre et ton humour y ont laissé des marques indélébiles et sauront, comme toujours, éclairer mes journées les plus sombres ».
Charlotte Méaud avait étudié à Strasbourg en 2013-2014. Elle a perdu la vie le 13 novembre, avec sa sœur jumelle, Emilie, alors qu'elles étaient sur la terrasse du café Le Carillon. Ses enseignants de la Faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG) lui rendent hommage.
Après un doctorat en Génie civil à l'Université de Lyon et une première expérience professionnelle, Charlotte Méaud décide de venir à Strasbourg, pour faire un master en Ingénierie de projets innovants (IPI), à la Faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG), car elle ressentait le besoin de « faire autre chose », de « faire plus ».
Elle s'y est complètement investie, toujours active, aux aguets de nouvelles idées, de nouvelles expériences, curieuse et toujours partante… Elle avait le sens de l'initiative mobilisatrice, savait entraîner et motiver ses collègues de promo. Depuis, elle avait tout de suite trouvé chaussure à son pied, comme chargée de développement de start-up. Elle était aimée par ses amies et amis de la promo, elle était exigeante envers elle-même.
« Nous sommes trop effondrés pour exprimer notre douleur ; les mots nous manquent pour dire toute la tristesse que nous éprouvons pour elle, pour sa sœur jumelle Emilie, également victime de cette barbarie, et pour ses parents », expriment ses enseignants de la FSEG.
Etudiants ou personnels, après un événement comme celui du 13 novembre, nous sommes tous susceptibles d'avoir besoin d'un soutien psychologique.
Le vendredi 13 novembre, nous avons collectivement subi un traumatisme en découvrant les terribles événements en cours ou tout juste achevés à Paris. Ces attentats meurtriers, s'ils ne sont malheureusement pas inédits, peuvent provoquer en nous différents sentiments : tristesse, colère, mais aussi peur, inquiétude, angoisse.
Les étudiants sont particulièrement susceptibles de subir ces réactions émotionnelles, y compris s'ils n'ont pas été directement impactés par le décès d'un proche ou d'une connaissance, et spécialement s'ils sont isolés familialement. Mais les personnels peuvent également avoir besoin d'un soutien psychologique.
Les étudiants peuvent chercher de l'aide auprès du Centre d'accueil médico-psychologique universitaire de Strasbourg (Camus - 03 88 52 15 51), dans les locaux du Sumps, 6 rue de Palerme.
Quant aux personnels, ils peuvent prendre contact avec la Cellule d'urgence médico-psychologique (Cump, basée à l'Hôpital civil, dont les psychologues sont spécialisés dans la prise en charge des événements traumatiques - 03 88 11 66 48).